Coût élevé du péage de Bassam / Un juriste démonte les arguments du ministre Amédé Kouakou
- Publié le 28, jui 2022
- ECONOMIE
Les voix continuent de se lever contre le péage de Grand-Bassam dont les tarifs sont jugés excessifs par les citoyens. Dans l’acte 2 de sa chronique intitulée ‘’Fixé à 1000F, le péage de Bassam est un coup dur pour le pouvoir d’achat des populations’’, le juriste, Kouadio Jean Bonin, spécialiste des partenariats publics privés a démonté l’argument selon lequel les usagers mécontents du coût du péage de Bassam pourraient emprunter l’ancienne voie. Pour lui, ce péage étant financé par le contribuable ivoirien, il n’y a aucune raison objective pour que celui-ci ne l’empruntions pas au juste prix.
Vous habitez Bassam et vous travaillez au Plateau. Vous avez un salaire mensuel de 200.000FCFA. Vous êtes donc largement au-dessus du salaire moyen en Côte d’Ivoire qui est de 124.000F et du salaire minimum (garanti) qui est établi à 60.000F. Vous travaillez du lundi au vendredi : ce qui donne 2.000F par jour de péage, en aller-retour ; 10.000F par semaine ; soit 40.000F par mois de péage. Avec le nouveau péage, votre pouvoir d’achat baissera significativement au moins de 40.000F / mois.
Le ministre de l’Equipement et de l’Entretien routier (Ndlr : Amédé Koffi Kouakou) a reçu des journalistes pour leur expliquer les raisons (esthétiques) qui motivent le coût élevé du péage de Bassam. Personnellement, je suis resté sur ma faim.
Nous attendions mieux du ministre sur la question. Ce qu’il aurait dû mettre à la disposition des journalistes et des associations de consommateurs, et de manière plus générale de la population, ce sont notamment :
- Le plan de financement. Il révèle que le projet a coûté 22 milliards FCFA.
- L’étude de trafic. Il informe que Abidjan-Singrobo fait en moyenne 16.000 véhicules/jour. Or Abidjan-Bassam a un trafic bien plus important que Abidjan-Singrobo.
- Le modèle financier.
- Les différents rapports d’activités et financiers sur le péage Abidjan-Singrobo. C’est un document qui normalement devrait être publié chaque année.
(Ph: DR)
Restons sur l’hypothèse (basse) de 16.000 véhicules jour comme annoncé par le ministre lors de sa rencontre avec les journalistes et faisons un calcul rapide :
16.000 véhicules jours en aller-retour sur 7 jours ça fait 32.000.000 jour x 7 jours = 224.000.000 FCFA. 32.000.000 jours x 30 = 960.000.000 FCFA / mois.
En deux ans, tout au plus, l’investissement aura été entièrement amorti, y compris les frais financiers et techniques. En effet, nous n’avons pas pris en compte dans notre calcul les tarifs de péage des autocars et autres véhicules poids lourds qui, eux, paient 3.500F par passage.
Ces chiffres démontrent que le prix du péage Abidjan-Bassam est excessif et injustifié.
Je rappelle, à toute fin utile, que ce péage est un investissement public et non privé. Il n’est donc pas couvert par le principe du secret des affaires dont se prévalent les investisseurs privés pour ne pas divulguer certaines informations relatives au financement de leurs projets.
Par ailleurs, le ministre explique qu’il existe une voie alternative pour ne pas payer le péage. Cette pirouette est irrecevable. Pour au moins 3 raisons :
1- Ce péage a été financé par nos impôts et/ou un emprunt qui sera remboursé par nos impôts. Dès lors, il n’y a aucune raison objective pour que nous ne l’empruntions pas… au juste prix.
2- si cette route a été construite en 2 x 2 voies, c’est justement parce que la voie alternative existante n’est plus en mesure d’absorber le trafic concerné. C’est de la responsabilité de l’Etat, qui collecte chaque année le prix de vente des vignettes et autres taxes automobiles sur les transporteurs et les automobilistes de leur mettre à disposition des voies de circulation praticables. Que l’Etat mette donc la voie alternative aux normes pour la rendre fluide, et alors les automobilistes l’emprunteront.
3- L’Etat n’a pas pour vocation de faire du commerce et de réaliser des bénéfices sur les populations qui paient déjà toutes sortes d’impôts, de taxes et redevances diverses. Ce projet aurait été réalisé et financé par un investisseur privé que nous aurions compris l’argument selon lequel une voie alternative existe.
Or ici, dans les deux cas, il s’agit d’un financement public. Les populations sont donc légitimement fondées à emprunter, indifféremment, l’une ou l’autre des voies, sans que cela soit une insupportable contrainte financière pour elles.
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Pour ma part, j’invite les députés de l’opposition, si tant est que la cherté de la vie est au rang de leurs préoccupations majeures, à réclamer les documents précités au Fonds d’Entretien Routier (FER) et à convoquer le ministre de l’Equipement (Ndlr : Equipement et de l’Entretien routier, Amédé Koffi Kouakou) pour une séance d’information parlementaire sur le prix du péage de Bassam.
Le PS-Gouv ne doit pas être une vue de l’esprit ou juste un slogan politique. Il doit être une réalité sociale perceptible par les populations, surtout les plus vulnérables et les plus pauvres.
Kouadio Jean Bonin,
Juriste, spécialiste des partenariats publics privés
Membre du cabinet international d’avocats Serres, Paris
Président du Think Tank FIER
(Le titre et le chapeau sont de la rédaction)