Sécurité nationale / Quand la corruption aux frontières met en danger la Côte d'Ivoire

Invité à la 5ème édition du Djéguélé festival à Boundiali du samedi 3 au samedi 10 avril 2021, l’occasion a été bonne pour le magazine Burkinabé Africa Stars de toucher du doigt le phénomène dangereux de la corruption à nos frontières. Infos d’Ivoire vous livre l’intégralité de ce récit palpitant.

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La ville de Boundiali a abrité du 3 au 10 avril dernier la cinquième édition de Djéguélé Festival qui est le Festival du Balafon. Nous avons reçu une invitation officielle du comité d'organisation pour la couverture médiatique avec une possibilité de venir par vol. Nous avons refusé cette option parce que Boundiali est situé au Nord de la Côte d'Ivoire plus précisément à 380 km de Bobo-Dioulasso et 670 km d'Abidjan.

Le jeudi dernier (ndlr : 8 avril 2021) dans la soirée, nous voici à Bobo-Dioulasso. Selon nos investigations, une compagnie de transport privée arrive à convoyer des gens vers la Côte d'Ivoire. Nous voici donc au guichet de la compagnie. On nous dit que ça coûte 50.000 FCFA le transport pour traverser la frontière jusqu'à Ouangolo et même jusqu'à Abidjan selon notre destination. Nous avons demandé un reçu détaillé du trajet pour justifier nos dépenses avec nos partenaires parce que nous savons que les frontières sont fermées. Comment cette compagnie arrive à traverser la frontière avec des passagers à bord ? La guichetière dit NADA, Monsieur c'est comme ça chez nous. Nous ne pouvons pas vous donner un reçu. Nous avons donc décidé de rejeter l'offre et nous voici au siège d'une autre société de transport qui a accepté de nous déposer à Niangoloko à 2000 FCFA le ticket de transport.

À Niangoloko donc, qu'est-ce que nous constatons à la descente du bus, beaucoup de motocyclistes qui interceptent les passagers. Bonsoir Mr, vous allez à Ouangolo ? Si oui je peux vous déposer. Beaucoup de motocyclistes ont eu des clients et le tarif se négociait entre 12000 et 15.000 FCFA pour parcourir 55 km, la distance qui sépare Niangoloko à Ouangolo.

Après investigations, la compagnie de transport qui a voulu nous limer 50.000 FCFA a un véritable réseau de passeurs à motos. Le Bus dépose les passagers à Niangoloko et leurs passeurs remorquent chaque passager et la compagnie leur paye 10.000 FCFA pour la traversée de la frontière pour chaque passager.

C'est donc par ce même procédé que nous avons pu traverser la frontière en payant 12000 FCFA à un passeur qui a proposé le contournement des différents postes de police et de Gendarmerie en territoire Burkinabé et nous avons refusé son offre.

Au poste de police de YENDERE, nous avons remarqué que la police était très professionnelle et lourdement armée parce qu'ils ont beaucoup de défis à relever au plan sécuritaire. Ils n'ont pris aucun copek avec nous. Ensuite le poste de Gendarmerie sur le territoire Burkinabé, idem, nous avons constaté que nos soldats ont pris toutes les mesures de sécurité pour défendre l'intégrité territoriale et nous n'avons payé aucun Kopek également.

À présent, nous voici en République de Côte d'Ivoire avec le premier poste de contrôle de la Police Ivoirienne. Le passeur nous a tapé 1500 FCFA pour une opération de contournement parce que les policiers ne sont pas assez vigilants. Nous avons traversé leur barrière à pieds et ils n'ont même pas fait attention pour nous interpeller. Ils ne s'intéressent qu'à ceux qui traversent à motos ou en voiture. Quelle acrobatie ? Après ce poste de contrôle, nous avons traversé 8 postes de police et de gendarmerie en territoire Ivoirien et partout il faut payer 2000 FCFA avant de continuer. Arrivés à Ouangolo, il se faisait tard et nous avons décidé de prendre une chambre d'hôtel pour y passer la nuit pour des raisons de sécurité. Le lendemain matin à 8h 30, nous voici dans un Bus pour Korogho. Au premier poste de contrôle à Ferké, un gendarme monte dans le car, présentez vos documents d'identité. Il a saisi toutes les cartes d'identité de tous les Burkinabè et il a demandé de le suivre au poste. Le chef de poste est clair : Chacun de vous doit payer 5000 sinon on vous renvoie au Burkina. Ici c'est comme ça. Nous avons demandé un reçu après le payement avec la motivation pour nous justifier auprès de qui de droit. Que nenni, point de reçu. Et nous avons demandé, pourquoi nous devons payer chacun 5000 FCFA ? Les cartes d'identité Burkinabè ne sont-elles pas valables en Côte d'Ivoire ? Ils s'énervent, Monsieur vous vous prenez pour qui? Nous allons vous enfermer ici. Et à nous de rétorquer : Nous nous réservons le droit également de saisir le Directeur de la Justice Militaire d'Abidjan pour escroquerie aggravée et atteinte très grave à la libre circulation des personnes et des biens dans l'espace CEDEAO. Ne nous demandez plus la suite. Nous sommes devenus de très bons amis. Il nous a remis nos 5000 FCFA en privé.

À chaque poste de contrôle, il faut payer 2000 FCFA lorsqu'on est détenteur de la CNIB ou de toute autre nationalité. Nous avons brandi notre carte de presse pour les effrayer jusqu'à destination, idem pour le retour. Nous avons compté 28 postes de contrôles entre Ouangolo et Boundiali pour une distance de 195 km et à chaque poste il faut payer 2000 FCFA lorsqu'on est étranger sans motif. En Côte d'Ivoire, on peut affirmer sans risque de se tromper que plusieurs Policiers et gendarmes ne travaillent pas pour la sécurité territoriale de la Côte d'Ivoire, ils travaillent pour leur propre sécurité alimentaire. Durant tout le trajet, la force publique Ivoirienne n'a demandé à personne son test Covid-19, ni fouiller les bagages de qui que ce soit. Ce qui les intéressent, ce sont les 2000 seulement pour chaque passager étranger.

Recommandation aux autorités de la CEDEAO : 

Pour combattre ce phénomène, la justice de chaque pays de la CEDEAO pourrait utiliser les compagnies de transport en commun et organiser des infiltrations. Il serait souhaitable d'avoir un Procureur Conducteur du Bus et des apprentis OPJ. Vous m'en direz des nouvelles parce qu'il y aura beaucoup d'arrestations. C'est seulement à ce prix qu'on pourra combattre ce fléau d'escroquerie et d'arnaque qui a la peau dure dans l'espace CEDEAO. Il faut mentionner que beaucoup de gens sont devenus des multimillionnaire à cause de la fermeture des frontières. Beaucoup ne souhaitent même plus que les frontières s'ouvrent car il y a tout un grand réseau qui profite de la misère des populations pour s'enrichir.

Source : Magazine Africa Stars 

Ndlr : Le titre et le chapeau sont de la rédaction

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