Regard sur l’éducation nationale / Les enseignants du privé méritent mieux
- Publié le 14, avr 2021
- SOCIETE
En Côte d'Ivoire, une bonne partie de l'éducation est assurée par les enseignants du privé. Mais la plupart de ces derniers vivent dans la précarité. Cette situation est à la base des nombreux maux qui minent notre système scolaire.
Selon l'article 10 de la constitution, l'éducation est assurée par l'Etat et les collectivités territoriales. Ce qui implique que l'éducation relève de la compétence du pouvoir publique. Dans ce contexte, même si les établissements privés jouent un rôle important dans ce secteur, l'Etat a l'obligation de s'assurer du bon fonctionnement de tout le système éducatif. Malheureusement, un désordre légendaire prospère dans ces lieux.
Des enseignants exploités
Dans ce secteur, des enseignants vivent dans la précarité totale. En effet, ils sont mal payés. Le salaire dérisoire ne leur permet pas de vivre décemment. Pour les vacataires c’est-à-dire les enseignants payés en fonction des heures de travail effectuées, la situation est d'autant plus difficile.
En effet, lors des périodes de grève et/ou des congés, ils ne gagnent absolument rien. Mais au-delà, rares sont les établissements qui payent un montant de mille francs pour l'heure de travail. Dans ces conditions, comment ces derniers vont bien faire leur travail ? Une chose est sûre, l'intégrité et l'amour du travail s'expriment difficilement lorsque le ventre est vide. La conséquence de cette situation, c'est la fraude à grande échelle.
Une fraude pour la survie
Il est inadmissible de cautionner la fraude surtout en milieu scolaire ; le lieu de la "fabrication" des citoyens de demain. Mais, il est tout de même légitime de s'interroger sur les causes de la fraude. A l'analyse, il paraît évident que la précarité dans laquelle vivent les enseignants, surtout ceux du privé contribue fortement à cette situation.
Comme indiqué plus haut, nombreux sont ces enseignants qui ne sont pas payés pendant les vacances, qui débutent généralement en mai pour prendre fin en octobre. C'est donc pratiquement 5 mois sans salaire. Pourtant, les charges quotidiennes ne changent pas. Dans ces conditions, certains profitent des examens a grand tirage pour se faire de l'argent en se faisant complice de la tricherie.
Les enseignants de langue ‘’vendent’’ les points des épreuves orales au vu et au su de tous. Les autres font cotiser les élèves lors des épreuves afin de leur filer les réponses ou leur permettre de tricher entre eux. Voici comment dans des salles de composition, des élèves se retrouvent avec des copies conforment.
Un droit syndical bafoué
Si le droit syndical est reconnu en Côte d’Ivoire, les enseignants du privé n'arrivent pas à en user comme il se doit. En effet, dans le but de mieux exploiter les enseignants, les fondateurs des établissements privés acceptent difficilement les syndicalistes. De ce fait, ceux qui veulent prendre l'initiative perdent souvent leurs postes. Ainsi, pour gagner de quoi survivre, ils sont obligés de garder le silence et de se débrouiller comme ils peuvent.
Profitant de cette situation, les fondateurs s'offrent le luxe d'exploiter les enseignants sans les embaucher. Ils proposent des contrats généralement de deux ans. Une fois que celui-ci est épuisé, ils libèrent ces enseignants pour ne pas les embaucher. Ainsi, les enseignants du privé, pourtant reconnu par l'Etat et assurant une bonne partie de l'éducation, n'arrivent pas à se réaliser financièrement et objectivement.
Les états généraux pourront apporter un changement ?
Le lundi 12 avril 2021, lors de la cérémonie de passation de charge, la nouvelle ministre de l'Education nationale et de l’Alphabétisation, Mariatou Koné, a annoncé les états généraux de l'éducation.
Cette annonce a été fortement apprécié par les observateurs de la vie politique ivoirienne. Car, pour eux, ces assises permettront de faire le diagnostic des maux, afin de dégager les solutions qui s'imposent. Une lueur d'espoir se pointe donc à l'horizon. Espérons que le cas des enseignants du privé sera pris en compte. Mais est-ce que ces assises suffiront pour éradiquer le système éducatif scolaire de son mal si profond ? Attendons de voir.
Par Sylvestre Sylla