Élections 2025 / Les évêques de Côte d’Ivoire mettent en garde et plaident pour un climat apaisé
- Publié le 28, mai 2025
- SOCIETE
La 127e Assemblée plénière ordinaire de la Conférence des Évêques Catholiques de Côte d’Ivoire (CECCI) s’est tenue du lundi 19 au dimanche 25 mai 2025, au centre Jean-Paul Ier de Kodjoboué, dans le diocèse de Grand-Bassam. À l’issue de leurs travaux, les évêques ont dans un communiqué appelé à la réconciliation, à la paix et à la responsabilité civique en cette année électorale cruciale pour le pays. L'intégralité du Communiqué Final !

1. La 127e Assemblée Plénière Ordinaire de la Conférence des Évêques Catholiques de Côte d’Ivoire (CECCI) s’est tenue du 19 au 25 mai 2025 au Centre d’accueil Jean Paul 1er de Kodjoboué (Bonoua), dans le diocèse de Grand-Bassam, porte d’entrée de l’évangile en Côte d’Ivoire, sous la présidence de S.E. Mgr Marcellin YAO Kouadio, Président en exercice de la Conférence.
Ouverture
2. La cérémonie d’ouverture s’est tenue le 20 mai avec la participation du représentant du Saint-Siège en Côte d’Ivoire, du corps préfectoral, des autorités administratives et religieuses des villes de Grand-Bassam et de Bonoua. Elle a été marquée par plusieurs allocutions dont celle prononcée par le Révérend Père Jean Kouassi BONZO, vicaire général du diocèse de Grand-Bassam.
3. Dans son discours, il a, au nom de l’évêque dudit diocèse, S. E. Mgr Raymond AHOUA, rendu un vibrant hommage aux pionniers de la conférence déjà retournés à la maison du Père et à ceux encore en vie qu’il a qualifiés de « mécanismes référentiels de notre marche ecclésial. » Il a exhorté les évêques « à revisiter les décisions et engagements pris, à s’interroger sur l’exercice du pouvoir et de l’autorité, à demander pardon pour les blessures communautaires et personnelles et surtout à s’autodéterminer avec courage devant cet héritage dans ses actifs et passifs » en faisant preuve d'un leadership visionnaire et d’un courage prophétique.
4. La messe d’ouverture a eu lieu à la paroisse Toussaint de Membi. Elle a été présidée par Son Ex. Mgr Marcellin YAO Kouadio, président de la CECCI. Dans sa méditation, il a exhorté ses frères dans l’épiscopat à relire l’histoire de l’Église en Côte d’Ivoire, à célébrer la fidélité à l’Évangile, et à s’ouvrir, dans l’espérance, à un avenir renouvelé. Commentant le compte rendu de Paul et Barnabé de retour de leur mission dans Ac 14, 19-28 et citant le N° 95 des conclusions du synode sur la synodalité, il a interpelé le peuple de Dieu en ces termes : « dans une Église synodale, la culture du rendre-compte s’impose à tous quel que soit le niveau de responsabilité des clercs (diacres, prêtres et évêques), consacrés et laïcs. » « En outre, en matière de transparence, le N° 96 du même document fait appel aux termes tels que la vérité, la loyauté, la clarté, l’honnêteté, l’intégrité, la cohérence, le refus de l’opacité, de l’hypocrisie et de l’ambiguïté et l’absence d’arrière-pensée. »
5. En cette année jubilaire pour l’Église universelle, la CECCI célèbre son jubilé d’or. La célébration de ces 50 ans d’engagement pastoral se déroule dans un contexte national important : le pays se prépare à une nouvelle élection présidentielle en octobre prochain. Ce temps de mémoire jubilaire coïncide donc avec un moment de discernement national. La célébration prend ici une résonance particulière en ce sens qu’elle invite les évêques non seulement à regarder leur parcours ecclésial, mais aussi à renouveler leur engagement pour une Côte d’Ivoire de justice, de vérité, de paix et de fraternité.
De la mémoire : une Église au cœur de la nation
6. Pour les évêques ivoiriens, faire mémoire, ce n’est pas vivre dans le passé, c’est relire l’action de Dieu dans leur histoire, comme le peuple d’Israël dans le désert : « Souviens-toi de tout le chemin que le Seigneur ton Dieu t’a fait faire » (Dt 8, 2). Aussi, se souviennent-ils :
• de l'Église ivoirienne née dans l’élan missionnaire, enracinée dans les villes et villages, les quartiers et les familles ;
• du rôle de l’Église dans les temps de crise, quand les voix prophétiques ont appelé à la réconciliation, à la vérité, à la justice, à la non-violence ;
• des communautés qui, souvent dans le silence, ont œuvré pour l’éducation des enfants et des jeunes, le soin des malades, la solidarité avec les faibles et les pauvres.
7. Cette mémoire les appelle à la gratitude vis-à-vis de chaque membre du peuple de Dieu et de chaque habitant de la Côte d’Ivoire. Cette mémoire les appelle aussi à la lucidité, car aussi bien dans le pays que dans l’Église, la mémoire est parfois blessée par les divisions ethniques, les violences électorales, les injustices économiques, le mal gouvernance.
8. Faire mémoire, c’est s’engager à pardonner, à réparer, à rebâtir l’unité ecclésiale et nationale. C’est pourquoi, les évêques assumant toute leur responsabilité individuelle et collective, demandent pardon à leurs collaborateurs : clergé, personnes consacrées et fidèles laïcs du Christ pour les écarts dans leur agir et leur être.
À la mission : témoins de paix et d’espérance
9. Le Christ envoie ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre… la lumière du monde » (Mt 5,13-14). Aujourd’hui plus que jamais, la mission de l’Église en Côte d’Ivoire est d’être lumière dans les ténèbres de la peur, sel dans les blessures de la haine, voix dans les silences de l’injustice. À l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025, en attendant la lettre pastorale pour une élection présidentielle juste, transparente, inclusive et apaisée, après leur message sur le même sujet, les évêques de Côte d’Ivoire estiment que le pays a besoin d’une Église prophétique :
• une Église qui éduque à la citoyenneté responsable, à la non-violence, au dialogue.
• une Église qui ne pactise pas avec les intérêts partisans, mais qui se tient aux côtés des petits, des oubliés, des déguerpis, des faibles.
• une Église qui invite les jeunes à croire en la paix et à refuser la manipulation.
• une Église qui pratique la justice, la vérité, la transparence dans sa gouvernance pastorale, économique et financière.
10. Cette mission ne saurait se limiter au seul peuple de Dieu. Elle s’étend aussi à la nation. C’est pourquoi ils s’engagent, comme par le passé, à prier pour la nation, à accompagner les consciences, à offrir des espaces de dialogue et de réconciliation.
Pour une Église toujours plus synodale : marcher ensemble pour la paix
11. Le pape François, de vénérée mémoire, a appelé les évêques à bâtir une Église plus synodale : une Église dont les membres marchent ensemble, s’écoutent et dialoguent. « Il a plu au Saint-Esprit et à nous… » (Ac 15,28). Les évêques de Côte d’Ivoire se sentent particulièrement interpellés par ce verset en cette année jubilaire. Ils s’engagent à davantage écouter ce que l’Esprit dit aux églises (cf. Ap 2, 7), à marcher ensemble avec le clergé, les personnes consacrées et les fidèles laïcs du Christ. Ce marcher ensemble pour eux et pour la Côte d’Ivoire signifie :
• refuser la haine tribale, affirmer que tous, dans le pays et l’Église, sont frères d’abord, avant d’être militants.
• créer dans leurs diocèses respectifs des lieux où les blessés de la politique, les exclus du développement, les victimes des abus sont écoutés.
• donner la parole aux femmes, aux jeunes, aux déplacés, aux victimes d’abus car ils ont beaucoup à dire.
12. Une Église synodale en Côte d’Ivoire est une Église gardienne de la paix, semence d’unité, ferment d’une gouvernance plus fraternelle, d’une gestion plus transparente des biens de l’Église et d’un nouveau vivre-ensemble.
Un devoir de mémoire, une urgence de mission,
13. Ce jubilé de 50 ans n’est pas pour les évêques, une simple commémoration. Il est un appel. Un appel à continuer à servir l’Église et la Côte d’Ivoire avec le cœur du Christ. Les enseignements des évêques ont éclairé des questions pastorales critiques ; ce qui a conduit à l'identification des défis majeurs de sa mission en vue d’un meilleur engagement pour les 50 prochaines années. Ainsi l’Église sera :
• une mémoire vivante des grâces reçues et des blessures à guérir.
• une mission ardente, fidèle à l’Évangile et attentive aux souffrances du peuple.
• une communauté synodale, prête à relever les défis de la mission.
14. En cette année électorale, comme pasteurs, les évêques demandent à tous d’être des artisans de paix, de rejeter les discours de haine, de s’éduquer et d’éduquer à la fraternité. Ils prient et œuvrent pour que le scrutin soit transparent, juste, inclusif et non violent.
Les rapports
15. Au cours des séances de travail, des échanges critiques ont eu lieu sur divers sujets : l’analyse des rapports des secrétaires exécutifs et aumôniers nationaux et le renouvellement de certains mandats, l’examen et l’adoption du projet de lettre pastorale pour une élection présidentielle, juste, transparente inclusive et apaisée, l’adoption des normes complémentaires, la recherche de financements de l’université catholique de Côte d’Ivoire (UCACI), le rapport financier de la CECCI.
Les nominations
16. La CECCI a procédé aux nominations suivantes :
le R. P. Jérôme DAGBO KATO, du clergé diocésain de San-Pedro, comme professeur résidant de Droit canonique au Grand Séminaire Saint Cœur de Marie d’Anyama ;
le R. P. Olivier ZOURE, du clergé diocésain de Yopougon, comme professeur missionnaire de Droit canonique au Grand Séminaire Saint Cœur de Marie d’Anyama ;
le R. P. Alain Pierre YAO, du clergé diocésain de Bouaké, comme Recteur du Grand Séminaire Notre Dame de Guessihio (Gagnoa) ;
le R. P. Jean-Luc KOUADIO ADOU, du clergé diocésain de Bondoukou, comme professeur missionnaire d’histoire de l’Église au Grand Séminaire Saint Cœur de Marie d’Anyama ;
le R. P. Modeste-Éric KOUAKOU, du clergé diocésain de Bouaké, comme professeur résidant de théologie morale au Grand Séminaire Notre Dame de Guessihio (Gagnoa) ;
le R. P. Vincent N’ZEBO, du clergé diocésain d’Abidjan, comme professeur résidant de Droit canonique au Grand Séminaire Notre Dame de Guessihio (Gagnoa) ;
le R. P. Hermann KADIO, du clergé diocésain d’Agboville, comme professeur résidant de liturgie au Grand Séminaire Notre Dame de Guessihio (Gagnoa) ;
le R. P. Félix GNINNANTCHINNI COULIBALY, du clergé diocésain de Katiola, comme professeur missionnaire de Droit canonique au Grand Séminaire Notre Dame de Guessihio (Gagnoa) ;
le R. P. Landry Karol SEGUI FALLET, du clergé diocésain d’Abidjan, comme professeur résidant d’Anthropologie au Grand Séminaire Saint Paul d’Abadjin Kouté ;
le R. P. Félicien GUESSÉ, du clergé diocésain de Gagnoa, comme Secrétaire Exécutif National de l’éducation catholique ;
le R. P. Jean KOUABENAN KRA, du clergé diocésain de Bondoukou, comme Directeur de la Radio Nationale Catholique (RNC) ;
le R. P. Lambert Yedoh LATH, du clergé diocésain de Grand-Bassam, comme Directeur National d’Ecclesia TV.
Projet de lettre pastorale
17. L'examen et l’adoption d'une lettre pastorale intitulée « Lettre Pastorale des Évêques Catholiques de Côte d’Ivoire pour une élection présidentielle juste, transparente, inclusive et apaisée » a été au centre des échanges. Ce document vise à fournir des conseils pratiques sur le cycle électoral en Côte d’Ivoire, en soulignant la place essentielle de la transparence, la justice et la vérité pour favoriser des élections sans violence et des résultats acceptés de tous.
Hommages et remerciements
18. Les membres de la CECCI rendent un vibrant hommage à leur confrère S. E. Mgr Raymond AHOUA qui a accueilli chaleureusement le double événement de la 127e Assemblée Plénière Ordinaire et la célébration marquant la clôture du jubilé d’or de la CECCI.
19. Les évêques tiennent à exprimer leur profonde gratitude à S. E. Mgr Mauricio Rueda Beltz pour sa présence bienveillante à la cérémonie d'ouverture de leur 127ᵉ Assemblée Plénière Ordinaire ainsi qu’à la messe solennelle de clôture. Ils se sentent honorés pour sa participation effective et les mots bienveillants et pieux à eux adressés par la Secrétairerie d’ État, au nom du Saint Père le Pape Léon XIV, en ce moment important de leur cheminement ecclésial. Ils le remercient également pour les nominations récentes des archevêques de Korhogo et de Gagnoa, signes concrets de l’attention et du soutien du Saint-Siège à l’Église en Côte d’Ivoire.
20. Ils expriment leur profonde gratitude au corps préfectoral, aux autorités municipales, militaires et coutumières ainsi qu’au brave peuple de Dieu du diocèse de Grand-Bassam, notamment aux sœurs Orantes et le personnel du Centre d’accueil Jean-Paul Ier de Kodjoboué, pour leur hospitalité et les commodités mises à leur disposition pour le bon déroulement de leur Assemblée.
21. Les évêques adressent leurs sincères remerciements aux prêtres en fin de mandat. Durant leurs années de service, ils ont généreusement consacré leurs forces, intelligence, foi et cœur à la mission que l’Église leur avait confiée. Leur dévouement, parfois dans des conditions exigeantes, a été un signe vivant de leur fidélité à Dieu et à son peuple. Les évêques les assurent de leur profonde gratitude pour leur engagement, leur zèle missionnaire et leur témoignage sacerdotal.
22. Les évêques de Côte d’Ivoire, dans le cadre des célébrations du jubilé d’or de leur organe de collégialité ont conclu leur 127e Assemblée Plénière par un pèlerinage collectif sur les tombes des Cardinaux Bernard YAGO et Bernard AGRÉ à la cathédrale d’Abidjan. Ils ont collectivement prié pour le repos éternel du Pape François.
23. S’unissant à toute la nation, les évêques ont rendu grâce à Dieu pour l’élection du Pape Léon XIV. Ils lui adressent leurs félicitations et lui expriment leur communion pleine et entière, et leurs vœux sincères pour un ministère pétrinien fructueux et long.
Date et lieu de la prochaine Assemblée Plénière Ordinaire
24. La 128e Assemblée Plénière Ordinaire de la Conférence des Évêques Catholiques de Côte d’Ivoire se tiendra du 19 au 25 janvier 2026, à San Pedro, dans la province ecclésiastique de Gagnoa.
Fait à Grand-Bassam, le 25 mai 2025
Au sixième Dimanche du Temps Pascal de l’Année C
Pour les Archevêques et Évêques de Côte d’Ivoire
Mgr Marcellin YAO KOUADIO,
Président